"ouverture" ou couverture ?
Paru dans Libération ce jour, un article qui vient corroborer ce que nous pensons (et disons) depuis longtemps ici même, à savoir que la soit-disant "ouverture" serait plutôt une couverture, à savoir que le président nouvellement élu, qui se targuait de faire appel aux compétences des meilleurs a dévoilé son jeu lors de l'affaire dite des infirmières bulgares, où le ministre des affaires étrangères qui normalement aurait dû être en première ligne dans une affaire aussi importante, n'a fait figure que de ... figurant !
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Ministres, dits d’«ouverture» ou sarkozystes de la première heure, tous ou presque sont logés à la même enseigne. «Ils ne doivent pas s’attendre à être ménagés mais il n’est pas question de s’acharner» sur les anciens amis ralliés à la droite ou les membres du gouvernement issus de la société civile, prévient François Loncle, député (PS) de l’Eure. «Ils sont devenus des membres du gouvernement et on les traite comme tels», renchérit le socialiste André Vallini (Isère).
Officiellement, donc, aucune attitude revancharde à l’encontre des Bernard Kouchner, Eric Besson, Jean-Marie Bockel, et autre Jean-Pierre Jouyet, promettent les socialistes, qui voudraient bien clore le débat sur l’ouverture. Et un seul mot d’ordre: les juger sur pièces.
Taclé. Pourtant sur l’affaire des infirmières bulgares, Bernard Kouchner était à l’évidence attendu au tournant. Du fait de l’importance de son ministère, les Affaires étrangères, et de sa popularité, «c’est la personnalité la plus saillante des ministres d’ouverture, et donc aussi la plus vulnérable», confie un élu PS. Les critiques de ses ex-camarades ont fusé, le 31 juillet, lors de son audition par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. «On ne s’est pas concertés avant, nos questions étaient spontanées et ne le visaient pas personnellement, assure François Loncle. Cela portait sur une affaire compliquée, on l’a juste placé face à ses contradictions.» Comprendre: sa conversion récente à la realpolitik. «On est aujourd’hui fondés pour lui dire qu’il est prêt à avaler n’importe quoi depuis qu’il a accepté ce poste», prévient Loncle.
Taclé sur son effacement dans le dossier libyen, Kouchner a été présenté, à la sortie de son audition, comme un simple figurant, «un acteur qui finalement n’a joué aucun rôle», selon les termes de François Hollande . Preuve, pour certains, que l’ouverture pratiquée par Nicolas Sarkozy était un écran de fumée. Les ministres et secrétaires d’Etat venus de la gauche étaient «supposés apporter leur propre sensibilité, rappelle Pierre Moscovici, député (PS) du Doubs. Or, si cette sensibilité se dilue, ce n’est plus une ouverture mais un débauchage», voire «une absorption par le sarkozysme».
D’après Faouzi Lamdaoui, secrétaire national du PS, «Bockel [secrétaire d’Etat à la Coopération, ndlr] et Kouchner ont été hors du coup pour les soignants bulgares, ils étaient là pour les caméras. Cela montre que l’ouverture est une illusion.» Avant d’ajouter que ce qui vaut pour les ministres de l’ouverture est aussi vrai des autres membres du gouvernement : tous seraient sous la coupe d’un même «hyperprésident qui dirige tout, gère tout, inaugure tout».
Banaliser. Le PS refuse le harcèlement systématique dont il perçoit les effets contre-productifs et préfère banaliser les transfuges. A une nuance près : «Ayant été plus proches d’eux, politiquement et affectivement, on en attendait plus que les autres et on risque donc d’être un peu plus déçus», relève Pierre Moscovici.
Mais Besson, le «traître» de la campagne présidentielle, Bockel, déjà marginalisé du PS pour son blairisme revendiqué, sont autrement traités que Martin Hirsch ou Fadela Amara. Le cas de la secrétaire d’Etat à la Politique de la ville et fondatrice de Ni putes ni soumises laisse indifférent. «On en parle très peu entre nous. J’ai juste entendu dire qu’elle ne s’en sortait pas très bien», rapporte un député socialiste, évoquant ses marges de manœuvre réduites. Pour l’heure, Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives et Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, considérés moins comme des arrivistes que comme des techniciens du gouvernement, ne donnent pas prise aux critiques de la gauche. Verdict de François Loncle : «Jouyet, on ne peut pas contester ses compétences.
D’ailleurs, on a senti quelqu’un qui maîtrisait ses dossiers. Quant à Hirsch, il a eu l’habileté de ne pas aller jusqu’au ministère : la nuance n’est pas inintéressante.» Le Haut-commissaire reste «très respecté», confirme André Vallini.
Si Nicolas Sarkozy a voulu faire «bouger les lignes», la gauche, elle, reste donc sur la sienne : celle d’une opposition prête à signifier aux «prises» du chef de l’Etat le revers de leur médaille.