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Le blog de la Gauche du Réel à Maisons-Alfort
2 juin 2009

Pourquoi il faut changer Barroso

Pourquoi il faut changer Barroso

Le Président sortant de la Commission européenne se bat pour sa reconduction. En fait, il mène campagne, y compris en France – interview mardi sur France 2 et dans « Le Monde », à qui il a confié ses ambitions et vanté son bilan. José Manuel Barroso n'est pas un politique anodin. Il a été le Premier ministre, très conservateur et controversé, du Portugal, avant de devenir le Président, très libéral, de la Commission. L'homme n'est pas dénué de charme, il est brillant, polyglotte – parlant aussi bien l'anglais et le français que le portugais, sa propre langue. Il aime séduire, et sait convaincre ses interlocuteurs qu'il partage leurs options, quelles qu'elles soient : en fait, il est un véritable caméléon politique, mais dont la boussole idéologique le ramène toujours à son propre camp, celui de la droite PPE, dont il est le candidat – à l'exception peut-être de Nicolas Sarkozy, sans doute gêné par son tropisme anglo-saxon. Changer l'Europe : c'est l'enjeu central de la campagne européenne. Pour cela, il faut d'abord changer l'orientation de la Commission, et surtout changer son Président. Encore faut-il dire pour quoi – j'ai déjà présenté ici l'alternative, le « Manifesto » du PSE – et pourquoi. C'est ce à quoi je vais m'essayer aujourd'hui, pour nourrir vos réflexions durant ce pont. Je vois pour l'essentiel quatre raisons pour « tourner le pays » Barroso.

1 - Barroso a une ambition trop faible pour la Commission et  pour l'Europe

Avec lui, la Commission n'a pas été la « garante de l'intérêt communautaire » et a cruellement manqué d'ambition intégrationniste. Dans des dossiers clés, Barroso est resté passif et n'a pas été une force pour l'intégration communautaire, à rebours de ses prédécesseurs. J'en donne deux exemples. Le Traité de Lisbonne : la Commission européenne a choisi de laisser aux gouvernements nationaux le soin de trouver une issue à l'imbroglio constitutionnel. Elle s'est contentée d'organiser une « période de réflexion », qui lui a en fait permis de botter en touche en « décentralisant » la recherche de solutions au niveau des Etats membres. C'est grâce à l'Allemagne, pendant sa présidence – et reconnaissons-le, un peu grâce à la France aussi – en tout cas pas à la Commission, qu'une sortie de crise a pu être trouvée. La Stratégie de Lisbonne, ensuite : Barroso s’est illustré en plaçant l’action de la Commission sous le signe de cette politique. La démarche est curieuse, car cette stratégie, marquée pour l'essentiel par la coopération intergouvernementale dans le domaine économique et social, se focalise sur les matières où l'Union n’a pas de compétence ou presque. Dans son « coeur de métier », la Commission est restée muette. La Commission s'est, par ailleurs, laissée balloter par les Chefs d'Etat et de Gouvernement. Elle a été complètement écrasée par le Conseil, elle n'a pas été capable de tenir tête et de faire preuve de volontarisme. Ce manque d’ambition et de propositions l’a marginalisée, au lieu de renforcer la cohérence communautaire. Ainsi, la Commission n'a pas été le lieu de réponse à la crise économique. Elle s'est montrée suiviste et attentiste. C'est le G20 – donc le niveau international, intergouvernemental, une fois de plus – qui a pris l'initiative et joué un rôle moteur. Le soi-disant « plan de relance européen » pour sa part n’est qu’un amalgame de plans nationaux, et Barroso a refusé de lancer l’emprunt qui aurait pu lui donner un vrai souffle. Enfin, le paquet énergie-climat s’est soldé par un accord a minima révélant la toute puissance des Etats membres dans les négociations du triangle institutionnel. Bref, la Commission Barroso n'a aucune réalisation majeure à faire valoir après 5 ans. Contrairement à ses prédécesseurs, comme Jacques Delors, dont le nom est associé au marché unique, à l'euro et à la relance de l'Europe, ou même Romano Prodi qui a le passage à l’euro et l’élargissement de 2004 à son actif, Barroso n’a pour l’instant à son compte aucune réforme d’ampleur. C'est un suiveur, partisan du désengagement, frileux et sans imagination, qui se contente de gérer l'héritage.

2 - Barroso n'a aucun sens du « timing » politique

José Manuel Barroso a un vrai don pour exaspérer les citoyens européens avec des propositions à contre-temps, propres à les détourner de l'Europe. Là encore, quelques exemples. Au lendemain du rejet du TCE par la France, notamment en raison des craintes concernant la préservation des services publics et les orientations trop libérales de la construction communautaire, Barroso a appuyé de tout son poids la Directive « services ». Ce n'est pas du volontarisme, c'est de l'aveuglement. De même, en 2005, un mois après le rejet par les Pays-Bas du TCE, la Commission enclenche contre ce pays une procédure d'infraction, estimant que les aides publiques qu’il accorde aux activités de service public du logement sont illégales. Ce programme était financé depuis des années sur fonds publics, sans que la Commission n’ait jamais rien trouvé à redire. Cette procédure fut perçue comme une provocation, et elle est à l'origine de la demande explicite du pays  de voir figurer un protocole sur les SIG dans le Traité de Lisbonne. Enfin, en octobre 2008, en pleine tourmente financière, la Commission a conclu un accord commercial avec 14 États des Caraïbes, dont huit qualifiés de paradis fiscaux par l’OCDE. Cet accord prévoit notamment la liberté de placer sur le marché européen tout nouveau produit financier. Au plus mauvais moment, la Commission persiste à négocier la libéralisation complète des services financiers.

3 - Barroso est trop libéral

Là est, sans doute, son erreur principale. « Better regulation » : tel était le programme de la Commission Barroso. Il a surtout été un prétexte pour sous-réguler ou déréguler. La Commission a présenté en 2005 sa communication « mieux légiférer ». Cette approche a en fait vite constitué un moyen pour ne pas légiférer dans les domaines où de puissants intérêts économiques s'y opposent. L’institution a notamment refusé pendant des mois de présenter un texte régulant les « hedge funds », alors que la crise financière a mis en lumière leur rôle déstabilisateur, et que le Parlement européen l'a demandé explicitement depuis l'automne dernier. Un texte minimal a été présenté il y a quelques semaines. Il a été immédiatement critiqué pour son absence d'ambition et ses larges insuffisances. En réalité, le mot d'ordre sous la Commission Barroso a constamment été : plus de marché, moins d'Europe. Ainsi, la Commission a refusé de manière répétée proposer une directive sur les services d’intérêt général (SIG) : en agissant, elle démontre qu’elle préfère soumettre les besoins sociaux aux lois du marché et de la concurrence, en laissant ces services entrer dans le champ d’application de la « directive Bolkestein ». La Commission Barroso a également passé outre les demandes du Parlement européen de réviser la directive relative au détachement des travailleurs, alors même que le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail promu par ce texte a été attaqué par trois récents arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui aboutissent à faire primer la libéralisation du marché sur la protection des travailleurs. Dernier exemple : la réglementation de la durée du travail dans les transports routiers. Une directive de 2002 visant à inclure les chauffeurs non salariés n’a jamais été appliquée par la Commission, et ces chauffeurs ont tout bonnement été oubliés par l’institution lors de la révision de la réglementation en 2008, entraînant des risques de dumping social importants.

4 - Le Président de la Commission verra ses pouvoirs renforcés par le Traité de Lisbonne : il ne faut pas mettre un « Président par défaut » à la tête d'un organe aussi important

En 2004, Barroso a été choisi par défaut. En 2009, il est d'autant plus important d'avoir un vrai choix que le Traité de Lisbonne renforce les pouvoirs du Président de la Commission, et de la Commission. Ce Président se verra ainsi doté des moyens d'un réel « leadership ». Il lui appartient déjà de répartir les portefeuilles des Commissaires qui sont cependant choisis par le Conseil avec son accord. Il pourra désormais, sans l'approbation du collège exigée par le Traité de Nice, contraindre un Commissaire à démissionner et nommer librement ses vice-Présidents, à l'exception du Haut Représentant pour la PESC. Plus que jamais, il faut éviter de reconduire un mauvais Président, de surcroît faible. Il aura encore plus de marge de manoeuvre pour faire des dégâts.

Bref, vous m'avez compris, ce n'est pas par antipathie personnelle ou par esprit de chapelle que je souhaite un nouveau Président de la Commission : c'est parce que l'Europe en a besoin. Pour cela, il est impératif que le PPE n'ait pas les mains libres dans le nouveau Parlement européen, qu'il n'y soit plus le premier groupe, que le PSE soit en mesure de présenter l'un des siens pour cette responsabilité décisive. Là est bien le « vote utile » du 7 juin.

21 mai 2009 à 15:00 dans Commentaires d'actualité | Lien permanent | Commentaires (32)

30 mai 2009

A une semaine de la fin de la campagne européenne, les sondages ne sont pas bons pour le Parti socialiste, qui flirte avec – et même glisse parfois en dessous de – la barre symbolique des 20 %. Je me suis jusqu'à présent refusé à en parler, à les commenter – je ne le ferai pas davantage aujourd'hui – ou à les croire. Mais au moment d'aborder la dernière ligne droite, le taire n'aurait pas grand sens. Nous constatons tous, sur le terrain, une inquiétude, une difficulté à saisir et à mobiliser l'électorat, avec cet effet pervers des mauvais résultats qui alimentent à leur tour la tentation de la dispersion, l'envie de ce vote sanction contre nous, que j'ai senti venir de longue date et qui a, bizarrement, suscité si peu de commentaires sur ce blog. Mon propos n'est pas de faire l'analyse des sondages, moins encore la critique de la campagne du Parti. Ce n'est pas mon tempérament de « cracher dans la soupe », je suis plutôt une nature loyale, et chacun voit ici que je ne ménage pas ma peine pour convaincre – en utilisant, il est vrai, une argumentation que je ne trouve pas assez chez d'autres et qui, à en juger par les réactions des salles que je rassemble, suscite l'intérêt. Mon interrogation est autre. Comment pouvons-nous, en quelques jours, renverser la tendance, réussir un score honorable, desserrer l'étau de nos poursuivants – le Modem, les Verts, le Front de gauche – resserrer l'écart avec l'UMP, si possible la dépasser ? Pouvons-nous, devons-nous, et si oui comment, en appeler au « vote utile » ?

La thématique du « vote utile » n'est pas la plus séduisante en démocratie, elle rebute ou interroge. Ces doutes sont tout à fait compréhensibles. Sur le plan des principes, tout d'abord. L'acte utile, c'est le vote lui-même, et il est tout à fait déplaisant de sembler discréditer, dans le débat, l'expression d'une opinion, quelle qu'elle soit. Voter est utile en soi, c'est un droit précieux, que n'ont pas tous les habitants de la planète, qui ne peuvent partout s'appeler du beau mot de citoyen, c'est aussi un devoir. C'est pourquoi toutes les opinions – ou presque - doivent être respectées, même si certaines doivent être combattues avec passion. Il y a aussi d'autres raisons au maniement délicat de cette notion. Elle est en effet évoquée, la plupart du temps, dans des situations difficiles, voire désespérées, et avec réticence car elle apparaît comme un aveu de faiblesse, l'argument qui demeure quand il n'y a plus d'arguments. C'est pourquoi l'orgueil – qui peut aussi être une qualité – conduit souvent à y renoncer. Chacun, notamment, garde en mémoire, le refus de Lionel Jospin, persuadé de la raison des Français, de leur capacité à valider le bon bilan de son gouvernement, d'en appeler au « vote utile » contre Jean Marie Le Pen, qui eût, peut-être, changé la face de l'histoire politique du pays. Cet exemple, on le voit, est à double tranchant. Il montre aussi que l'appel au « vote utile » - qui ne doit pas forcément s'exprimer avec lourdeur et inélégance - peut être nécessaire et positif.

Je crois qu'il l'est pour le PS en vue des élections européennes du 7 juin. Car si, je l'ai dit, le vote est utile en soi, certains votes le sont toutefois, pour le citoyen, plus que d'autres. Ma perspective, j'en suis conscient, est celle d'un social-démocrate, réformiste et réaliste : le vote utile est celui qui permet d'avancer, de participer au choix final et à la mise en oeuvre des politiques publiques, celui qui ne néglige pas le pouvoir, conçu non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen d'agir. C'est pourquoi j'écarte, pour ma part, et depuis longtemps, les votes protestataires, qui ne servent qu'à exprimer un refus et non à proposer une alternative. Si l'on excepte cette définition – qui peut être discutée, qui est discutable, mais il faudrait pour cela plus qu'un post sur un blog – je vois une triple utilité au vote en faveur des listes PS/PSE. Utilité pour la gauche, d'abord. Une gauche éclatée, une gauche dispersée, sur le modèle du 21 avril, est une gauche impuissante, affaiblie, incapable de prétendre à l'alternance, de gouverner. Pour pallier à cela, le vote pour le Parti socialiste – sans négliger ses défauts, sans oublier sa rénovation nécessaire, qu'il faudra impérativement engager le 8 juin, avec force, sans calcul ni hésitation – est bien le seul qui puisse incarner l'espoir. Soyons conscients – qui ne l'est pas en vérité ? - que les Français, même de gauche, ne sont pas prêts actuellement à nous signer un chèque en blanc, ne nous illusionnons pas sur la signification profonde d'un sursaut d'ici au 7 juin : les réticences sont là, elles demeureront. Mais intervient ici la deuxième utilité du vote socialiste. Un PS plus fort est nécessaire à notre pays, à la France, il sera, malgré tout, un outil précieux pour préparer l'alternance et l'alternative en 2012. Nous méritons peut-être un avertissement, je crois que nous l'avons compris, mais un vote sanction affaiblirait en réalité ceux qui voudraient nous l'infliger. Car une UMP largement en tête serait, quelles que soient les interprétations qu'on en donnera, quelle qu'en soit la justesse – c'est vrai, un parti majoritaire ne réussissant que 25 à 28% des suffrages exprimés n'est pas triomphant – un succès pour le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui y verrait un quitus pour sa politique et un encouragement à poursuivre et durcir son entreprise de liquidation.

La troisième utilité du vote socialiste, la plus directe, la plus importante aussi sans doute, est européenne. Car l'enjeu des élections européennes du 7 juin est bien l'orientation de la politique suivie par l'Union européenne, la qualité du compromis qui s'y construit, et surtout le rapport des forces entre le Parlement, la Commission et le Conseil européen. Quoi qu'en disent le PPE et l'UMP, qui n'insistent guère sur cette dimension, attachés qu'ils sont au seul choix des Etats-membres, le groupe arrivé en tête aura un « droit de tirage » sur la Présidence de la Commission. Si les conservateurs l'emportent, José Manuel Barroso, ce Président que j'ai qualifié mardi à l'Assemblée nationale, d'apathique, suiviste, libéral, sera reconduit. Or le seul groupe en situation, le cas échéant, d'empêcher cela, est bien celui du PSE, qui dispose en outre avec le « Manifesto » du programme le plus ambitieux et le plus complet de toutes les formations politiques. Autrement dit, tout autre vote que celui en faveur du PSE est, pour les citoyens attachés au changement de l'Europe, à l'alternance à la tête de la Commission, une occasion manquée. Le seul vote effectif anti-Barroso est le vote socialiste.

Il reste une semaine pour convaincre. Je souhaite que les socialistes, dans la dernière ligne droite, sachent mobiliser un électorat distant et flottant, pour peser en France et en Europe. Pour cela il faudra bien, oui, appeler d'une façon ou d'une autre au « vote utile ». A la Première secrétaire, Martine Aubry, à chacune et chacun d'entre nous, de le dire avec les mots qui conviennent, sans culpabiliser, sans brutaliser, en expliquant pour convaincre. C'est ce que je ferai pour ma part jusqu'au dernier jour.

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