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Le blog de la Gauche du Réel à Maisons-Alfort
6 octobre 2007

L'immigration n'est pas un fléau, ni la source de tous les maux de la France !

Tribune de Pierre Moscovici et Catherine Tasca, parue dans Libération du 4 octobre 2007

La politique de l’immigration voulue par Nicolas Sarkozy porte gravement atteinte au crédit de la France dans le monde. Depuis des décennies, on s’est habitué à considérer l’immigration (et pas seulement l’immigration clandestine) comme un fardeau insupportable. Loi après loi, on s’enfonce un peu plus dans la suspicion, la peur, le rejet. La vraie question est : quell relation voulons-nous pour demain entre l’étranger et nous ? En ce début d XXIe siècle, la mondialisation transforme les rap­ports dans l’espace : le distances se sont réduites, les communications sont instantanées.

Dans ces conditions, comment imaginer un monde dans lequel les capitaux et les informations circu­leraient librement tandis que les êtres humains se­raient, pour le plus grand nombre, voués à rester sur leur territoire d’origine ? Regardons la réalité en face : les mouvements de population dans le monde vont s’amplifier. Il faut donc aborder cette question positivement. Force est de constater que l’immigration n’est pas en volume le problème considérable que l’on dit. La proportion d’étrangers sur notre territoire est stable depuis vingt-cinq ans, représentant entre 5 % et 6 % de la population, soit un peu plus de 3 millions de personnes pour un pays de 60 millions d’habitants. Et les étrangers en situation irrégulière sont estimés à 400 000, soit 0,6 % de la population. Il n’y a aucune vraie raison de vouloir durcir les conditions de l’immigration légale, moins encore de pénaliser le regroupement fami­lial, si ce n’est une volonté d’affichage politique, en réponse au trouble de l’opinion.

Force est surtout de reconnaître que l’immigration n’est pas la cause de nos principales difficultés. La France a commencé à fermer ses frontières en 1974, quand elle a pris peur face à la crise écono­mique mondiale. Depuis cette date, le chômage a-t-il été enrayé ? Non. Il a augmenté. Certes, comme le disait Michel Rocard : «La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.» Mais, ajoutait-il, «elle doit en prendre toute sa part». La citation tronquée, déformée, inlassablement rabâchée est à côté de la plaque. Nos difficultés sont dues aux problèmes structurels de notre société : manque de compétitivité de nos entreprises, investissement public insuffisant en matière de recherche et d’in­novation, aggravation de la dette publique, déficit chronique de logements, difficultés de l’appareil éducatif. Il ne s’agit pas de nier les problèmes réels de cohabitation sur certains territoires, en particu­lier les banlieues en difficulté. Il faut se donner les moyens de résoudre socialement, économique­ment et culturellement ces problèmes.

Vis-à-vis de l’étranger, les dommages de la politi­que voulue par Nicolas Sarkozy sont déjà grands. Les obstacles multipliés à l’immigration légale et les expulsions ont pour seul résultat de conduire à des situations inhumaines, dramatiques, et cette politique place les pays de départ en situation im­possible. De «l’immigration choisie» au discours de Dakar, en passant par la politique verrouillée des visas, la France apparaît à nos partenaires étran­gers suspicieuse, frileuse et un tantinet xénophobe. Et la droite réussit le tour de force de brouiller la France avec la communauté francophone. On a bâti ou laissé se bâtir un préjugé, une obsession, celle du «fléau de l’immigration», censée s’opposer à l’identité nationale.

Il est grand temps, pour la gauche, de ne pas faire sien ce diagnostic et de ne pas souscrire trop vite à la méthode des quotas, solution illusoire qui n’a rien résolu, ni en Amérique du Nord, ni dans l’Italie de Silvio Berlusconi. Il est grand temps aussi de reprendre une politique de régularisation réfléchie sur des critères justes, sans objectifs chiffrés ab­surdes. L’expulsion devrait être l’exception. Notre premier souci devrait être de faire rentrer ces étran­gers dans le droit, dans la légalité, bénéfique pour eux et pour toute la collectivité puisque nous en fe­rions d’utiles contributeurs à la croissance de notre pays. Enfin, l’aide au développement doit devenir un axe majeur de la politique étrangère de la Fran­ce, en coordination avec toute l’UE. C’est la seule voie durable pour une réduction des inégalités au niveau international, et donc la seule voie pour une politique globale, juste, digne et responsable des migrations.

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