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Le blog de la Gauche du Réel à Maisons-Alfort
17 septembre 2009

Mauvaise nouvelle pour l'Europe et pour la France

Message de Pierre Moscovici :

Je distingue, dans l'actualité récente, une nouvelle importante. Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'une trop rapide impression pourrait laisser penser, du sujet qui envahit les médias depuis quelques heures – les déclarations de Ségolène Royal sur les « fraudes » supposées ou réelles au PS. J'avoue, pour ma part, y avoir jeté un oeil distrait, retenant surtout que notre ex-candidate à la présidentielle n'engageait pas de recours et ne demandait pas de revote – ce qui est sage. Elle souhaite en revanche que Martine Aubry porte plainte contre les auteurs du livre incriminé, ou sanctionne les auteurs des « tricheries » alléguées. C'est subtil, sans doute, compliqué à coup sûr – le communiqué de cinq responsables socialistes proches de Martine Aubry, se déclarant disponibles pour une confrontation avec les journalistes qui les mettent en cause, n'est pas simple non plus. Je suis, pour ma part, plus carré. Chacun a compris que le Congrès de Reims s'était, de bout en bout, mal déroulé, et qu'il soulevait des questions sérieuses sur le fonctionnement du PS. L'ouvrage récemment paru n'ajoute rien à ce qu'on savait déjà, il confirme la nécessité absolue de changements radicaux – un vrai fichier des adhérents, une transparence garantie – pour que nos votes deviennent irréprochables. Il montre le besoin des primaires ouvertes, qui doivent aussi être contrôlées et maîtrisées. Il s'agit là d'acquis à mettre en oeuvre sans fléchir. Mais pour le reste, il y en a marre ! Ne déterrons pas sans arrêt la hache de guerre, ne refaisons pas les matchs achevés, évitons les procédures, bref tournons nous vers demain et surtout travaillons sur nos idées. Martine Aubry m'a confirmé aujourd'hui la tenue de notre Convention nationale sur le nouveau modèle de développement, le dispositif de travail est prêt, ses travaux peuvent commencer début octobre et dureront jusqu'à la fin janvier. Là est l'essentiel. Pour le subalterne, arrêtons, tout le monde a compris, ça devient pénible.

La nouvelle importante, et elle est mauvaise, c'est la reconduction, pour cinq ans, de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne. Le Président sortant a été moins bien élu qu'en 2004 – il obtient 382 voix, alors qu'il en espérait 400 et en avait eu 413 pour son premier mandat. C'est plus que la majorité absolue – il y a eu 718 votants, 219 voix contre, 117 abstentions. C'est, pour lui et pour les conservateurs, un indéniable succès. C'est à l'opposé un échec pour tous ceux – socialistes, Verts, libéraux, communistes.... - qui pour des raisons différentes et convergentes à la fois, mais sans solution commune, critiquaient le pauvre bilan de M. Barroso. Les oppositions n'ont pas su proposer une alternative crédible, les socialistes se sont partagés, ce nouveau mandat est confortable. Et pourtant, en réalité, José Manuel Barroso aurait mérité une nette censure car il a échoué – et échouera – sur plusieurs plans. Je n'insiste pas sur ses sympathies néo-conservatrices, qui l'ont conduit, lors du très controversé sommet des Açores, a être un des protagonistes actifs de la guerre en Irak : à mes yeux, c'est grave, mais on pourrait à la limite plaider que c'est le passé et qu'il ne s'agit pas de l'Union européenne.

Le vrai problème, c'est l'orientation idéologique et politique du Président de la Commission, et son manque d'ambition pour l'institution qu'il préside. Sous sa direction, la Commission a engagé une politique vigoureuse de dérégulation. Pour José Manuel Barroso, la bonne législation européenne est... l'absence de législation – les associations, les mutuelles, les services publics sont parmi ses bêtes noires. Et c'est la loi du marché qui doit tout régir. Ses propositions du jour pour « lutter contre le dumping social », destinées à désarmer la gauche, ne tromperont personne : la boussole du Président de la Commission revient toujours à droite, il ne croit ni aux règles, ni à la puissance publique. On se souvient, en outre, de l'incapacité qui fut la sienne à proposer un plan de relance européen digne de ce nom, puisque la Commission n'a pu prétendre mettre 200 milliards d'euros, soit 1,5 % du PIB – à comparer aux 800 milliards de dollars, 5 % du PIB, du plan Obama – qu'en additionnant les plans nationaux, dont la version française est la plus pauvre. En réalité, M. Barroso est bien un homme de droite, mais pire encore de la droite d'avant la crise, il est à la fois conservateur, libéral et décalé. Sa personnalité et ses options ne correspondent en rien aux exigences de la période actuelle.

Pourquoi, me direz-vous, a-t-il été reconduit, alors que chacun, même dans une famille politique, le PPE, connaît ses insuffisances – on sait en effet qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy le tiennent en médiocre estime ? C'est, d'abord, la conséquence des résultats des élections européennes du 7 juin, ce que j'avais alors appelé la « facture » : les conservateurs, puissants au parlement, dominants dans les gouvernements, avaient la main, les oppositions défaites ne s'entendaient pas. C'est ensuite, et surtout, parce qu'il ne dérange personne à droite, et parce qu'il conforte la tendance à l'intergouvernementalisme, pire à la suzeraineté des « grands » Etats, qui prévaut en Europe. Nicolas Sarkozy, par exemple, se souvient de l'inertie, confinant à la servilité, du Président de la Commission pendant la Présidence française de l'Union européenne, en 2008, et qui lui convient parfaitement. Une Commission faible permet un Conseil européen et un Conseil des ministres forts : c'est pour les capitales la meilleure équation, c'est justement parce qu'il ne pèse pas que José Manuel Barroso peut continuer.

C'est pour moi une grave erreur. L'histoire nous apprend que, pour que l'Europe avance, il faut à la fois un projet mobilisateur, un couple franco-allemand qui fonctionne bien, une Commission qui joue pleinement son rôle d'initiative – l'âge d'or étant, bien sûr, la période où François Mitterrand, Helmut Kohl et Jacques Delors ont lancé l'Union politique et la monnaie unique. Aucun de ces ingrédients n'existe aujourd'hui, et l'effacement de la Commission est dangereux pour l'Europe. Nicolas Sarkozy et le PPE font là un choix à courte vue. Quant aux socialistes, ils doivent impérativement reconstruire leur unité dans une opposition résolue et intelligente à la politique, inchangée, qui émergera de ce vote, mais aussi autour d'une vision forte pour une Europe politiquement intégrée, économiquement active, écologiquement ambitieuse, socialement juste. Lourde tâche, que nous abordons en position difficile. Je tâcherai, pour ma part, d'y contribuer avec toute la force de mes engagements, à la fois socialistes et européens.

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